Trouvé dans un exemplaire de la revue l’Infini, édité par Sollers et acheté 1 euro chez un bouquiniste, un beau poème inédit de Kerouac daté de 1941 qui rassure comme une compresse d’eau froide posée sur un front brûlant.
Souviens-toi par dessus tout, Petit, qu’écrire n’est pas
Difficile, n’est pas douloureux, que ça jaillit de toi
Avec aisance, que tu peux balancer une petite histoire à toute
Vitesse, que lorsque tu le fais ouvertement, lorsque
Tu veux imprimer une vérité, ce n’est pas difficile,
Pas douloureux, mais facile, plein de grâce, saturé d’une douce
Puissance, comme si tu étais un clavier doté d’un stock
De littérature illimité, énorme, infini
Et riche. Parce que c’est vrai; parce que c’est ainsi. Ne l’oublie pas
Dans tes moments plus sombres. Fais chauffer ton truc,
Touche juste, à l’américaine, tu te fous des critiques, tu te
Fous des thèses universitaires mortelles des professeurs, il ne
Savent pas de quoi il parlent, il sont
A côté de la plaque, ils sont froids; tu es chaud, tu es
Bouillant, tu peux écrire à longueur de journée, tu sais ce que
Tu sais; souviens-toi de ça, Petit (…) ».
Souvenir lumineux d’avoir été entrainé dans une soirée en Hongrie, la fille à l’entrée a le regard sérieux mais tient à peine debout. Elle cherche des yeux quelqu’un qui ne sera pas moi, mais soutient mon regard, de cette fragilité du corps et de cette force infinie tendue dans ses yeux sombres.
Un copain me rappelait il y a quelques jours cet épisode de « Sur la Route » où Dean Moriarty complétement pété s’inscruste à une soirée, ne daigne parler à personne et choppe la fille autour de laquelle papillonnaient tous les prétendants foireux et encravatés.